« Organisations extrémistes » : 62 reconnues en 2023, parmi lesquelles 11 médias
169 « organisations extrémistes » sont actuellement reconnues au Bélarus, dont 62 ont rejoint la liste en 2023. À titre de comparaison, 80 entités avaient été incluses en 2022 dans la « liste des organisations, formations ou entrepreneurs individuels impliqués dans des activités extrémistes ». Depuis 2021, 130 personnes au total ont été condamnées pour « création ou participation à une organisation extrémiste ». L’année dernière, la liste comptait onze médias, cinq blogueurs, le groupe de musique Tor Band, le Centre de défense des droits humains « Viasna », la BAJ (Association bélarussienne des journalistes), la ZBS (Association des étudiants du Bélarus), deux grandes associations caritatives et un certain nombre d’autres associations et communautés publiques. « Viasna » répertorie les organisations qualifiées d’ « extrémistes » en 2023, et rappelle quelques mesures de précaution.
Depuis le début de l’automne 2021, le KGB et le ministère de l’Intérieur du Bélarus ont qualifié 169 entités d’ « organisations extrémistes ». En 2021, 27 « organisations extrémistes » avaient été désignées en deux mois. L’année suivante, ce chiffre était monté à 80, avant de redescendre l’année dernière à 62.
Les défenseurs des droits humains de Viasna ont à plusieurs reprises alerté sur l’illégalité de la procédure dans ces prises de décision :
Ces décisions de reconnaître des « organisations extrémistes » sont prises par le KGB ou le ministère de l’Intérieur dans le cadre de procédures administratives extrajudiciaires, sans que le public ne soit informé des motifs spécifiques qui les y conduisent. Le mécanisme simplifié de reconnaissance d’une « organisation extrémiste », ainsi que le manque d’accès des citoyens à l’information et aux mécanismes de protection juridique, compromettent toute initiative de manifestation ou de solidarité des citoyens, et donc toute réponse à ces violations flagrantes des droits de l’homme.
Les défenseurs des droits de l’homme observent une violation des droits de l’homme dans cette reconnaissance d’ « organisation extrémiste », ils alertent donc les citoyens sur les mesures de précaution à prendre :
La reconnaissance d’une entité comme organisation extrémiste restreint totalement, sous menace de sanctions pénales, les droits et libertés de l’entité et de ses membres, ainsi que des personnes souhaitant se joindre aux activités, de facto légitimes, de l’entité, pour saisir une opportunité de s’exprimer.
En avril 2023, les défenseurs des droits de l’homme de Viasna ont présenté à Vilnius un rapport intitulé : « Restriction de la liberté d’expression sous prétexte de lutter contre l’extrémisme et le terrorisme ».
En 2023, la « liste des organisations, formations ou entrepreneurs individuels impliqués dans des activités extrémistes » comprenait des médias indépendants, les réseaux sociaux de blogueurs, un groupe de musique, des chaînes et des groupes Telegram, des organisations et des projets sociaux.
Groupe de musique Tor Band
Le 16 janvier 2023, sur décision du KGB, le groupe de musique Tor Band a été déclaré « formation extrémiste ». En l’espèce, l’institution requérait une longue sentence pour les trois musiciens — Yaoùhen Burlo, Dzmitry Galavatch et Andreï Yaremtchik. Lesquels étaient également accusés de « création d’organisation extrémiste ». Le 31 octobre 2023, le tribunal régional de Homiel a rendu son verdict : des peines d’emprisonnement à partir de sept ans et demi en centre de détention. Tous ont été condamnés à effectuer leur peine sous régime renforcé et à payer une amende. Le procès s’est déroulé à huis clos et a duré un mois et demi.
Structures d’opposition politique
En 2023, un certain nombre de structures d’opposition politique ont été qualifiées de « formations extrémistes » : le Comité de gestion de crise, dirigé par Pavel Latoushka, les réseaux sociaux et le site web de Svetlana Tikhanovskaïa (même le groupe Telegram privé des « Analystes de Svetlana Tikhanovskaïa »), le Conseil de coordination et la Rada de la République populaire du Bélarus.
Groupes de solidarité
En octobre 2023, suite à une décision du KGB, le groupe privé Telegram « Homiel pour Mikita Zalataroù » a été qualifié de « formation extrémiste », et un seul de ses membres a été signalé — Mikhaïl Lapounoù, père du prisonnier politique Mikita Zalataroù. Mikhaïl a été incarcéré le 8 août et est depuis détenu dans un centre de détention provisoire.
En novembre 2023, le groupe Telegram « Détenus d’Akrestsina » a également été inclus dans la liste. Les administrateurs ont rapidement supprimé le groupe pour la sécurité de ses membres.
En décembre 2023, le groupe Facebook « Messages de solidarité Bélarus 2020 » a été reconnu comme « formation extrémiste » sur décision du KGB. Le groupe de discussion a ensuite été archivé.
Organisations et associations
En février 2023, l’Association des journalistes du Bélarus a été reconnue comme « formation extrémiste » sur décision du KGB.
« La décision du KGB du Bélarus de reconnaître l’Association des journalistes du Bélarus comme formation extrémiste est une nouvelle preuve de la pression des autorités sur les rédactions et les journalistes du Bélarus, visant à intimider, réprimer, afin de faire cesser le travail des médias indépendants, si important pour la société », ont déclaré en réponse les militants des droits de l’homme.
En juin, l’École des Jeunes Cadres de l’Administration publique (SYMPA), dont la co-fondatrice Tatiana Kouzina est maintenue derrière les barreaux, a été ajoutée à la liste. Selon le site web de SYMPA, la mission de ce projet est de promouvoir la réforme du système de l’administration publique au Bélarus conformément à des principes et à des pratiques modernes. Le projet rassemble des personnes qui souhaitent améliorer la qualité de la gouvernance dans le pays et mener des recherches sur ce sujet.
En août 2023, sur décision du KGB, l’antenne de « Viasna » à Homiel et l’ancienne journaliste Larisa Shchiriakova ont été ajoutées à la liste des « organisations extrémistes », alors qu’avait lieu le procès de l’ex-journaliste, comparaissant pour d’autres chefs d’accusation. Les défenseurs des droits de l’homme de « Viasna » ont fait une déclaration :
La reconnaissance de l’antenne de « Viasna » à Homiel et d’autres organisations comme groupes extrémistes constitue une restriction illégale du droit à la liberté d’association et à la liberté d’expression, car elle poursuit des objectifs illégitimes et ne respecte pas les obligations internationales du Bélarus en matière de droits de l’homme.
Le même jour, le KGB qualifiait l’incubateur de starts-up Imaguru de « formation extrémiste ». Actuellement, l’organisation occupe des bureaux à Madrid, Vilnius et Varsovie.
En août 2023, le ministère de l’Intérieur a caractérisé le Centre de défense des droits humains « Viasna » et ses antennes régionales de « formation extrémiste ». Motif : « mise en œuvre d’activités extrémistes ». Les sites spring96.org et freeviasna.org, les réseaux sociaux et chaînes Telegram de « Viasna », des comptes Telegram et adresses mail utilisés pour communiquer avec les défenseurs des droits, Patreon, la banque de photos flickr.com, ainsi que des adresses mail et comptes Telegram personnels — au total, une centaine d’entités ou personnes ont été ajoutées à la « liste des organisations, formations ou entrepreneurs individuels impliqués dans des activités extrémistes ». Une page du site web de l’Organisation internationale de défense des droits de l’homme frontlinedefenders.org, contenant des informations sur « Viasna », a également été incluse. L’organisation pour la défense des droits de l’homme a fait une déclaration pour défendre « Viasna » :
La reconnaissance du Centre de défense des droits humains « Viasna » et d’autres organisations comme groupes extrémistes constitue une ingérence inacceptable dans l’exercice de la liberté d’expression et de la liberté d’association, droits garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont la République du Bélarus est signataire, et viole les droits consacrés dans la Constitution de la République du Bélarus, ainsi que dans la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, document cadre clé de l’ONU.
Fin septembre 2023, l’Association des étudiants du Bélarus a été incluse dans la liste. Peu après, l’Union des mères du Bélarus a été reconnue comme « organisation extrémiste ». L’Association des entreprises bélarussiennes de l’étranger a également été ajoutée à la liste. En novembre, le projet d’aide aux prisonniers politiques Dissidentby a été reconnu comme « formation extrémiste » sur décision du ministère de l’Intérieur. Raison invoquée : « mise en œuvre et financement d’activités extrémistes ».
Groupes et projets solidaires
La « liste des organisations, formations ou entrepreneurs individuels impliqués dans des activités extrémistes » comprenait, par exemple, l’Association des cheminots du Bélarus, avec leur célèbre chaîne Telegram « Live. Association des cheminots du Bélarus ».
En novembre 2023, sur décision du KGB, la chaîne Telegram « Coalition de quartiers protestataires » est qualifiée de « formation extrémiste ».
Fin novembre, à l’initiative du KGB, le projet BELPOL a également été intégré à la liste. Ses membres Andreï Astapovitch, Ouladzimir Zhigar, Matsveï Kupreïtchyk sont identifiés comme d’anciens agent des forces de l’ordre, le blogueur Aliaksandr Kabanaù est, quant à lui, un ancien prisonnier politique.
Plus tard, en décembre 2023, la liste intègre l’application mobile « Nouveau Belarus », le site newbelarus.com, qui fournit des liens vers divers services utiles aux Bélarussiens, ainsi que les comptes Twitter, Instagram, Facebook et la chaîne Youtube de la plate-forme.
Communautés urbaines
En 2023, la tendance à qualifier des associations de citoyens de villes ou de quartiers de « formations extrémistes » s’est poursuivie. L’année dernière, la chaîne Telegram « Vawkavysk.Baï — votre actualité », les groupes Telegram « Solidarité Ivatsevitchy », « Klimavitchy CHAT », « Dziatlava For Life » ont été reconnus comme tels.
Médias indépendants et blogueurs
Au total, 11 médias ont été reconnus comme « organisations extrémistes » en 2023. Il s’agit à la fois de grands médias bien connus, par exemple, Zerkalo.io et Tribuna, et de médias régionaux.
Le 15 février 2023, le ministère de l’Intérieur a inclus Malanka media dans la « liste des organisations, formations ou entrepreneurs individuels impliqués dans des activités extrémistes ». Peu de temps après, le KGB a classé la « Gazette de Brest » comme « formation extrémiste ».
En mai 2023, sur décision du KGB, l’édition en ligne MOST et le réseau social du journaliste de Hrodna Rouslan Koulevitch ont été qualifiés de « formation extrémiste ». Fin mai, l’édition « Chtodzen » de Homiel a été ajoutée à la liste.
En juin 2023, le ministère de l’Intérieur a reconnu Zerkalo.io comme « formation extrémiste ». Le 6 septembre, la chaîne de télévision « Ranak » de Svietlahorsk est déclarée « formation extrémiste ». Le Centre bélarussien d’investigations a été ajouté à la liste sur décision de la Cour suprême en septembre. Fin novembre, sur décision du KGB, l’édition Ex-press.live de Baryssaw a été ajoutée à la liste. Bientôt, trois autres médias de Mahiliow ont été reconnus comme « groupes extrémistes » : 6TV Bielarus, « Mogilev media » et « News of the Mogilev Region ».
En décembre 2023, le ministère de l’Intérieur a décidé de classer la publication sportive Tribuna comme « formation extrémiste ».
L’année dernière, la « liste des organisations, formations ou entrepreneurs individuels impliqués dans des activités extrémistes » comprenait les réseaux sociaux du blogueur Andreï Pavouk et son projet « Rudabelskaya Pakazukha », la blogueuse Volha Pavouk, le journaliste et activiste des médias Valery Rouselik et sa chaîne Youtube Daroha, le blogueur ukrainien Aliaksandr Rykaù BalaganOff, ainsi que la blogueuse Tatiana Martynova.
Associations bénévoles en Ukraine
En 2023, le bataillon « Litvin » et le « Corps des volontaires du Bélarus », combattant aux côtés de l’Ukraine, ont été qualifiés de « formations extrémistes ».